lundi 21 décembre 2020

Lyon, je tourne la page mais je garde au coeur ce souvenir merveilleux du LOUP

 Novembre 2020 je quitte Lyon pour l'Ouest. Un de mes meilleurs souvenirs, Le LOUP de Nicolas ROMEAS au Carré 30, petit théâtre de Lyon en 2014. Pour moi, pur moment de grand bonheur sur Scène. Merci Nicolas !!!

A vous de découvrir ce Monde !!!

D.M. alias Hombre de Nada 12/2020.

mardi 1 juillet 2014

L'Album du spectacle "LOUP ENTOURE DE CHIENS A LA TOMBEE DU SOIR" au CARRE 30 du 6 au 9 février 2014

 
photo Hugo VERRECCHIA
Du 6 au 9 février 2014,au CARRE 30 à LYON j'ai joué 

 LOUP ENTOURÉ DE CHIENS A LA TOMBÉE DU SOIR 
de Nicolas ROMÉAS 

Un rêve de 27 ans... A l'époque, fin années 80, j'ai vu Nicolas ROMEAS, celui avec qui j'ai fait mes premiers pas sur une scène, écrire et mettre en scène ce texte éblouissant. L'acteur qui a joué le premier ce rôle s'appelait Luciano BALDELI. Impressionnant. Subjugué, je me suis promis alors qu'un jour, je serais le LOUP. Il y eut deux tentatives avortées au cours des années. Mais c'était en moi comme une évidence. Depuis quelques années, je m’investis dans la vie du CARRE 30, "petit" théâtre lyonnais attaché à présenter des créations et des auteurs peu connus du public. J'ai proposé l'an dernier d'inscrire cette pièce dans la programmation. Un metteur en scène, Hugo VERRECCHIA, qui œuvre souvent dans le lieu avec talent a accepté de m'accompagner dans l'aventure. Ce fut rude par moments, enthousiasmant toujours. Et le projet a été mené à bien. Heureux d'avoir porté sur scène un texte magnifique et d'une actualité hélas éternelle et brûlante. Et ce en invitant le public à plonger dans une atmosphère intimiste poignante et déroutante.
Faire du théâtre, pour moi, c'est dire le monde dans sa vérité. Là, on est en plein dedans. 
Je n'ai pu réaliser ce spectacle que grâce au CARRÉ 30 qui m'ouvre sa scène avec confiance et à Hugo VERRECCHIA qui a accepté de le mettre en scène avec son talent et sa vision. Merci à tous.
Sur la scène du CARRÉ 30 et dans la peau du LOUP, j'ai vécu un des plus beaux moments de ma vie. MERCI !!!


Les photos (sauf celle ci-dessus) sont de Christophe FIEVET. Tous droits réservés.


Le texte intégral est inséré avec la permission de l'auteur Nicolas ROMEAS. Tous droits réservés.

Les remerciements particuliers et le compte à rebours pré-évènement en bas de ce blog.

D. MARULAZ

Le CARRE 30, Théâtre "de poche" lyonnais, ouvre sa scène à mon projet. Février 2014 !





1ère partie: Le LOUP en cage.





"Ah,hé bien, vous aussi, ils vous ont..."




          -« Ah, hé bien vous aussi, ils vous ont… 
          On va avoir le temps de faire connaissance !  Mon nom c’est…
          On se présentera plus tard… sinon vous risquez de … d’avoir des idées préconçues.
          C’est que je suis assez connu dans le pays !
          Mais ici nous sommes tout nus ! A poil, hein !
          Il faut se montrer comme on est, je suppose.
          Remarquez, tant mieux ! Oui, je ne sais pas si je devrais dire ça, mais un peu de repos, en quelque sorte, ne fait pas de mal. Et dans notre métier, les vacances !

          J’imagine que vous aussi vous avez dû être assez actif, oui et bien sans vouloir vous flatter, je dirais que ça se sent. Ca… Je suis sûr que vous êtes un homme d’action, non ? Fatigué, hein… je ne veux pas vous empêcher de dormir.
     Ne me répondez pas si ça vous dérange… cependant, laissez-moi vous dire quelques mots. Ca fait si longtemps que je ne me suis pas retrouvé seul avec  quelqu’un ! Et là, on peut dire que la situation est assez idéale, non ?
          C’est vraiment parfait pour les confidences, leur machin ! on risque pas d’être dérangé !



"Vous êtes peut-être...l'un de mes ennemis... les plus redoutables !"




"Vous allez attraper des crampes dans les mollets, écrasé comme ça..."



          Si ça se trouve, on se connait, qu’est-ce que vous en dites ? Non ! Ne répondez pas, c’est encore plus drôle comme ça ! Faisons durer le suspens ! 
        Vous êtes peut-être l’un de mes ennemis les plus redoutables ?! Non, non, je blague. Vous m’avez l’air très sympathique, au contraire. Très… je ne sais pas, je sens qu’on a quelque chose… une sensation, comme ça.
          A mon avis, vous et moi, on se ressemble.
      Enfin, permettez-moi quand même de vous dire que vous devriez changer de position. Vous allez attraper des crampes dans les mollets, écrasé comme ça !
          Je dis ça, mais, si vous êtes bien…





"Vous pensez que je suis un monstre d'égoïsme..."



          Pour tout à l’heure…  je plaisantais. Ca se voit tout de suite que vous êtes d’une sacrée trempe, vous. 
          Je suis sûr que vous êtes ce qu’on appelle un chef ! Vous voyez ce que je veux dire… C’est vrai, c’est important dans un groupe, il faut quelqu’un pour diriger.
          Et certains sont faits pour ça. Dont je suis. Et vous aussi, j’en suis sûr.
          Vous me direz que le pouvoir est utile et bénéfique tant qu’on n’en abuse pas. Ca, je vous l’accorde !
          Mais à vrai dire, la tentation est grande ! Ouais, c’est dur, vraiment, la tentation est grande.
          Comme qui dirait quasiment inhumaine.

         Je sais ce que vous pensez. Vous pensez que je suis un monstre d’égoïsme. Que je n’ai jamais cherché que mon intérêt personnel. C’est facile pour vous de parler ainsi. On voit bien que vous n’avez jamais été prisonnier du pouvoir.
          Prisonnier du peuple.
          Vous croyez que je plaisante. Que j’exagère.
          Non, monsieur, prisonnier, c’est exactement ça !




"Allons, jouez votre rôle jusqu'au bout..."



Comment vouliez-vous que je fasse ? Vous auriez eu une meilleure idée, vous, avec tous ces esclaves qui réclament châtiments et souffrances… Et si vous ne leur en donnez pas assez, ils vous menacent des pires maux.
          C’est eux ! Tout est de leur faute ! Moi, je ne voulais pas. Enfin je veux dire je voulais… communiquer… Mais ça, ils ne veulent pas !
          Vous êtes le chef ! hurlent-ils, alors prouvez-le ! Ah, on voit bien que vous n’avez jamais été confronté à cette masse indécise, veule, cruelle, assoiffée de douleur.
          Ce n’est pas assez, réclament-il sans cesse !
          Ce n’est jamais assez !
          Nous sommes encore trop libres. Ne nous laissez pas dans cet état, vous voyez bien à quel point c’est dangereux. Le doute finit par s’installer en nous, et par cette ouverture, toutes sortes d’idées malsaines peuvent s’infiltrer dans nos esprits fragiles.
          Protégez nous contre nous-mêmes. Ne nous laissez pas seuls. Surtout ne nous laissez pas seuls face à nous-mêmes, sinon…
          Mais moi, je ne voulais pas ça.
          Ce n’est pas ça que je voulais.
          J’aurais voulu les toucher, les aimer, qu’ils m’aiment, dans la douce chaleur de leur animalité.
          Pas question ! Ne nous touchez pas ! Prouvez votre force !
          Votre force, tu parles !
          Tenez nous en respect. Tenez nous à distance. Faites vous craindre. Sinon, nous vous mordrons !
          Et moi j’implorais. J’aurais voulu un geste, un regard. Le sentiment d’appartenir à la même espèce qu’eux. Mais non, impossible, vous n’y pensez pas, vous ? Et leurs rires sardoniques éclataient cruels, sans merci.
          Vous êtes un tyran, soyez un tyran jusqu’au bout ! Vous n’allez pas nous faire croire, allez ! Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie !
          Nous savons bien ce que c’est qu’un despote. Allons, jouez votre rôle jusqu’au bout. Cessez de vous lamenter.
          Et les crocs menaçants sortaient de leurs babines, et leurs regards meurtriers s’allumaient dans la nuit.



"Et toujours leur regard s'est détourné..."



            Je sais, vous n’y croyez pas.
          Vous ne me plaignez pas. Vous pensez aux morts. Aux corps mutilés. Aux familles désunies. Aux injustices. Et vous vous dites : Cause toujours, mon bonhomme. Ce n’est pas ainsi que tu rachèteras tes péchés.
          Vous avez raison. Ne me plaignez pas. C’est impossible. Comment peut-on plaindre un homme tel que moi ?
          Mais j’ai… j’ai essayé. Je suis allé vers eux. J’ai tendu mon regard vers eux. Et toujours leur regard s’est détourné, et toujours cette haine implacable.






          Croyez vous, croyez vous vraiment que ce soit moi qui ai réclamé ces têtes, ces absurdes condamnations ? Je ne supporte pas la vue du sang, et l’injustice me plonge dans un profond état de terreur. 
            C’est le peuple qui réclamait ces têtes.
         C’est lui qui réclamait : « Du sang ! », et gare à moi si je tardais à obéir.



"Le pouvoir doit être fort, me disaient mes conseillers..."



          Le pouvoir doit être fort, me disaient mes conseillers, me disait-on de toutes parts. Le pouvoir doit être impitoyable et ne jamais s’embarrasser de sensiblerie, sinon… ce n’est plus le pouvoir, et alors… 
         Les tyrans que l’on abat sont ceux qui n’ont pas su assumer leur tyrannie, me chuchotait-on.
          Ecoutez la voix du peuple qui demande de la souffrance. Donnez au peuple ce qu’il demande. Vous êtes là pour ça. »







Voix Off :

          « Construisez un royaume, pour vous amuser, sans cela vous risquez fort de vous ennuyer. Et vous savez ce qu’il advient lorsqu’on s’ennuie : on meurt. 
          Fabriquez des poupées. Disposez-les dans votre royaume, jouez avec comme si vous étiez de nature divine. Mais un dieu capricieux, illogique, un vrai enfant gâté. 
          Faites subir, régner votre loi. Punissez toute tentative de résistance. N’écoutez que votre soif de pouvoir. 
          Amusez-vous, enfin. Joyeusement, pleinement. 
          Echappez à cette vraie pesanteur plus pesante qu’aucune autre ici : celle de la tristesse. 
          Vous avez certainement mérité de vivre. Sinon que faites-vous ici ? Reposez-vous. Délassez votre esprit. Lavez-vous, lavez-vous, lavez-vous. »
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          -« Hein, qu’est-ce que vous en dites, vous ? Qu’est-ce que vous en dites ? Est-ce que vous avez une belle théorie, le philosophe ? 
          Vous et vos congénères avez toujours une belle théorie toute prête dans un tiroir, pour toute occasion !
          Vous avez bien une opinion ?
          Vous n’allez pas m’imposer ce silence éternellement, hein, dites ?
          D’accord, vous réfléchissez à la question ! Vous pesez le pour et le contre ! Mais il y a des limites… hein ! … Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, dites-le !
          Je veux dire, je suis prêt à tout entendre. Les philosophes, ça me connait… J’en ai fait trucider quelques uns !



"Mais vous n'avez rien à craindre..."


"Je sais à qui vous me faites penser..."


"Je vous dégoute, n'est-ce pas..."



           Mais vous n’avez rien à craindre. Que puis-je contre vous, à présent ?
          Je sais à qui vous me faites penser, silencieux, comme un muet reproche, enfermé dans ce mutisme comme dans une forteresse. Protégé par votre silence comme par une armure. Alors que nous sommes deux hommes seuls quelque part sous la pluie, quelque part dans le monde.
          Vous me faites penser à l’un de ces stoïciens méprisants de la réalité, rejetant tout ce qui risquerait de salir leur esprit, leur pur esprit.
          Je vous dégoute, n’est-ce pas. Comme tout ce qui ne fait pas partie de votre merveilleuse coupole de cristal immaculé : l’intelligentsia !
          Vous savez les gens comme vous, les grands contemplateurs. Qui ne parlent qu’à mots comptés, c’est le moins qu’on puisse dire. Qui restent des heures à observer. A méditer. Ce sont les bêtes les plus dangereuses.
              Vous voulez que je vous dise pourquoi ?
          Parce que ce sont les seuls dans le corps social qui osent concurrencer ma toute-puissance. Oui, leur prétention est assez burlesque. Ils croient dur comme fer que la pensée est la force suprême ! Plus grande encore que la mienne. Bande de canailles !







          Il n’y a que la mort finalement pour leur faire entendre raison ! 
          On est bien obligé, n’est-ce pas, si on veut se faire respecter.

          Pourtant, quelles canailles !

       Je m’entendais fort bien avec certains d’entre eux. Il m’arrivait même de les faire enfermer uniquement pour avoir le plaisir de discuter avec eux. Je leur arrachais leurs secrets, et ensuite, COUIC !!! Mais vraiment… je les aimais bien ! Je restais… des heures, avec eux… des journées, parfois… dans des endroits tels que celui-ci.
          Peut-être même ici.
          Nous parlions.
          Nous parlions
     Petit à petit, tout doucement, nous finissions par oublier l’endroit peu accueillant où nous nous trouvions.
          Et nous refaisions le monde.
          Si si, je vous assure, quelle audace extraordinaire. Rien ne les arrête.
          Rien ne peut arrêter la pensée humaine prétendent-ils !
        Ca me faisait tellement rire à l’intérieur… Mais je jouais le jeu. J’adorais ça. J’adorais cela.



"... Et nous refaisions le monde! Si si, je vous assure..."





          Le philosophe m’entrainait dans ses fantastiques divagations. Je le regardais. Il était tout petit n’est-ce pas. Minuscule, vu de mon sublime promontoire. 
          Je pensais… Tu refais le monde… et bientôt, ta tête ensanglantée roulera dans le panier de son.
          Comme c’est drôle !
          Comme c’est étonnant !
          Comme tout est relatif, n’est-ce pas merveilleux ?
       Et plus le philosophe grandissait plus je me disais : Petit bonhomme tu vas bientôt mourir.

      Mais l’animal ne se doutait de rien. Les philosophes ne pourront jamais rien comprendre à la réalité. C’est pourquoi finalement ils sont profondément inoffensifs. Ils ne peuvent pas percevoir l’infinie cruauté de la vie. Or s’il y a un mot qui qualifie justement  la réalité, c’est cruauté.



"Je pensais: - Tu refais le monde..."



"-Tu vas bientôt mouriiiiir !"

"Et me voilà, moi, L'invulnérable, l'intouchable..."



          Et me voilà moi, l’invulnérable, l’intouchable… victime de cette cruauté, par ma seule faute. 
          Je pourrais dire par ma seule volonté. Je suis toujours aussi orgueilleux, n’est-ce pas ? On ne se refait pas.
          Me voilà enfin clairement victime de cette fameuse fatalité, et, je ne me plains pas. Vous avez remarqué ? Je ne me plains nullement.
          Je savoure en esthète, ce magistral retournement de situation, je jouis de cette merveilleuse absurdité ! Je me régale de ce paradoxe divin…
          Soumis aux caprices de la foule !
         Mais comme je vous l’expliquais ce n’est un paradoxe qu’en apparence.
          Hé… hé… hé, ils ont même réussi à me mettre dans un trou ! Dans un trou ! Tu te rends compte ?
          Hé oui, bien sûr, tu te rends compte.
          Ils sont forts, n’est-ce pas ?
          Dieu sait ce qu’ils vont faire de moi ?
         Hé, d’une certaine manière on peut dire que c’est moi qui leur ai donné le pouvoir.
          Quel cadeau ! Et qu’est-ce qu’ils vont en faire ?

          Peut-être vont-ils me…
          Hé ! Ma vue les insupporte tant à présent.
          Ils ne peuvent plus accepter mon existence.
          Je suis à leur merci.
          A leur merci.


"Je suis à leur merci, à leur merci..."


Bientôt un homme en noir… c’est moi qui le payais jusqu’à hier… va venir me chercher, et je vais me jeter à ses pieds, le supplier, il me repoussera du pied, me crachera au visage. Il sera passé directement de la soumission à la révolte. Sans intermédiaire !
          Mais me regarder en face et me donner un peu de cette affection dont j’ai eu si soif toute ma vie,  ça, ils ne l’auront jamais fait.
          Pourquoi, pourquoi ?
          Tu le sais toi le philosophe ?

Ci-dessous (Articles plus anciens) deuxième partie de la pièce.